Aristote démontre dans
la Physique qu’il est nécessaire qu’il
existe un Premier Moteur immobile qui cause le
mouvement de tout l’univers. L’argumentation a comme premier
fondement le principe de causalité qui, appliqué au mouvement peut
être formulé de la façon suivante : Tout mû est
nécessairement mû par quelque chose. (Physique,
VII, 1, 241 b )
À partir de cette évidence,
Aristote monte rigoureusement jusqu’à prouver l’existence du
Premier Moteur immobile : si tout ce qui est en mouvement est mû
par un autre, si cet autre est aussi en mouvement, il doit être mû
par un autre à son tour. Mais pour expliquer l’existence de
n’importe quel mouvement il faut arriver à un principe moteur qui
n’est pas mû. Il serait absurde de penser que l’on puisse
remonter d’un moteur mû à un autre moteur mû lui aussi, jusqu’à
l’infini : le processus à l’infini n’expliquerait rien.
S’il en est ainsi, il doit avoir, en plus des moteurs qui causent
les mouvements particuliers et qui sont mus à leur tour, un Principe
absolument immobile et premier, qui cause le mouvement de tout
l’univers. Sans lui, rien ne pourrait se mouvoir. En plus d’être
immobile, le Premier Moteur est éternel, car
si son existence avait un commencement, il aurait besoin d’une
cause. D’autre part, d’après Aristote, l’éternité du
mouvement de l’univers manifeste l’éternité du Premier Moteur.
(1)
Aristote aboutit à ce paradoxe difficilement acceptable pour la
physique actuelle et la relativité : le mouvement a pour
origine une première cause qui se doit d'être immobile. En termes
plus modernes on traduit Aristote en affirmant que tout objet en
mouvement détient son énergie d'autre chose que lui-même. Cette
affirmation est à l'origine du principe de conservation de l'énergie
selon lequel l'énergie totale d'un système isolé est invariante au
cours du temps, l'énergie totale initiale du système isolé soit
égale à l'énergie totale finale ; l'énergie passe d'une
forme à une autre durant le déroulement du phénomène, sans
création ni disparition d'énergie.
Mais si on applique ce principe à l'ensemble de l'univers, on s'aperçoit qu'aucun système n'est isolé, ce qui se perd dans une partie de l'univers passe à une autre partie, ce qui implique que l'énergie universelle est finie. Les transferts d'énergie s'effectueraient qu'entre corps en mouvement sans que jamais nous puissions déterminer une cause première : « si tout ce qui est en mouvement est mû par un autre, si cet autre est aussi en mouvement, il doit être mû par un autre à son tour ». L'énergie peut alors se transmettre indéfiniment et il est inutile de chercher un premier moteur qui serait lui immobile : telle est la conception contemporaine issue de la relativité selon laquelle tout est mouvement, il n'y a pas un principe premier d'inertie, le mouvement se mesure à partir d'un étalon premier qui est celui d'une vitesse, celle de la lumière.
Cette conception relativiste du mouvement aboutit à un modèle clos
d'énergie finie selon lequel les échanges d'énergie s'effectuent
qu'entre objets physiques. Elle occulte délibérément la question
de la cause, de l'origine du mouvement universel, celle du premier
moteur d'Aristote, dont on peut très bien se passer si on conçoit
la science physique comme excluant a priori les délibérations
métaphysiques.
Cependant, les physiciens relativistes se trouvent devant une
aporie : cette énergie se conservant indéfiniment, il a bien
fallu qu'elle surgisse le jour de la création de l'univers qui est
celui du big bang. Pour initier la mise en mouvement de toute la
matérialité de l'univers, il a bien fallu qu'existât une « réserve
quelque part », laquelle ne pouvait être elle-même en
mouvement puisqu'il s'agit du phénomène mettant l'univers en
action. Et ce quelque part ne peut être situé ailleurs que dans
l'univers lui-même puisqu'on ne saurait concevoir une sorte
« d'arrière univers ». Dés lors, nous retrouvons
pleinement l'argument d'Aristote de l'impossible régression à
l'infinie des causes nous contraignant à nous arrêter à une cause
première origine du Tout. Cette cause première du mouvement ne
saurait être en mouvement et ne peut donc être que parfaite
immobilité.
Mais c'est ici que l'argumentation d'Aristote nous ouvre un précipice: comment physiquement imaginer que le principe d'inertie initial soit à l'origine du mouvement ? Car il nous faut raisonner en termes physiques relatifs à un objet physique et non pas renvoyer la question à une méta-physique évanescente, au domaine des dieux et des religions. Nous devons concevoir un objet physique dont la caractéristique est d'être inerte mais présent, présent de toute éternité et donc incréé puisque ne pouvant naître d'un ailleurs que lui-même au risque de retomber dans la régression infinie d'Aristote.
Cet objet recherché ne saurait être la matière ou les ondes puisque leur propriété est d'être en mouvement, de le recevoir et le transmettre. Existe-t-il « autre chose »que la matière dans l'univers qui détiendrait des propriétés différentes telles qu'on puisse assez radicalement les distinguer ? Cet autre que la matière ne peut être que l'espace lui-même dont on remarquera qu'il est le « lieu » du mouvement qu'il accueille et le rend possible, puisqu'un mouvement sans espace est un non sens. Or l'espace qui permet la translation des corps ne saurait êtes lui-même en mouvement, c'est un lieu immobile par excellence. Mais être absolument inerte suppose qu'il s'agisse d'un état de quelque chose qui existe car un néant d'être n'aurait même pas la faculté d'être sans mouvement. Il faut donc qu'il soit composé d'une substance et que celle-ci emplisse tout l'espace de sorte que contenant et contenu se confondent et qu'il soit impossible de penser l'espace comme cadre vide d'un côté, que l'on remplirait d'une substance distincte de l'autre comme ce fut le cas pour l'éther.
Ainsi, une substance composant l'espace mais différente de la
matière, est par sa nature même, pure immobilité. Comment
peut-elle être à l'origine du mouvement et constituer ainsi le
premier moteur immobile tel que l'a entrevu Aristote ? Mais par
premier moteur il nous faut entendre l'origine du mouvement et donc
de l'énergie et puisque toute matière est en mouvement et contient
ainsi son énergie : ce premier moteur est le créateur
de la matière elle-même.En d'autres termes, c'est la substance
de l'espace qui est à l'origine de la création de la matière, d'où
elle provient, où elle retourne. Il existe un lien de proximité
entre la substance de l'espace et la matière de telle sorte qu'un
changement d'état de l'une soit à l'origine de la création de
l'autre. D'où l'on conclut que la matière est un composé de cette
substance de l'espace que nous nommerons à juste titre la
prématière. Si celle-ci, dans son état d'énergie zéro est pure
inertie, cela ne signifie nullement qu'elle ne puisse être mise en
mouvement par l'intermédiaire des corps et se présenter à
l'existant physique sous forme d'ondes électromagnétiques.
En définitive, c'est le plus ancien de nos physiciens qui semble avoir raison sur les plus modernes praticiens de cette science, à cette seule et unique condition : donner un substrat de réalité physique à ce premier moteur immobile.
(1) Philosophieancienne.over-blog.com/page-5071988.html