samedi 18 décembre 2021

140 – LA SUPERCHERIE DE LA DILATATION DU TEMPS D’EINSTEIN

L’ARTICLE

C'est une magnifique et profonde expérience de physique que publie Science dans son numéro du 1er février. Une expérience qui puise à la fois aux sources de la mécanique quantique et de la théorie de la relativité et qui éclaire la matière d'un jour différent, en mettant en lumière le lien insoupçonné qu'elle entretient avec le temps. Elle montre que l'on peut calculer la masse de la matière en se servant de ce que l'on pourrait appeler son horloge interne.

Il faut mettre cette expérience au crédit d'une équipe de l'université de Californie, à Berkeley. Ces chercheurs sont partis des travaux de deux des plus grands physiciens du siècle passé, Albert Einstein et Louis de Broglie. Les résultats de ces glorieux aînés forment une chaîne théorique qui relie la matière au temps. Le fameux E=mc2 d'Einstein établit l'équivalence entre matière et énergie (ce qui explique le mécanisme interne des étoiles et la bombe atomique). Quant à Louis de Broglie, en partant de l'équation d'Einstein, il a montré, dans ses travaux sur la théorie des quanta, que la dualité onde-particule n'était pas réservée à la lumière : les composants de la matière avaient aussi un caractère ondulatoire, ce qui valut à Louis de Broglie le prix Nobel de physique en 1929. Si l'on met tout cela bout à bout, cela dit que la matière peut être décrite comme une onde, avec une fréquence proportionnelle à la quantité d'énergie contenue dans la matière, et par conséquent à la masse de celle-ci. Or, qui dit fréquence dit temps. En théorie, on pourrait donc construire une horloge basée sur la fréquence interne d'un seul atome.

Cependant, jusqu'ici, on pensait que la mise en pratique de cette idée était impossible en raison de la fréquence incroyablement élevée des atomes : de l'ordre de la dizaine de millions de milliards de milliards d'oscillations par seconde ! Comme l'explique Holger Müller, un des auteurs de l'étude, "quand vous fabriquez une horloge de grand-père, il y a un balancier et un mécanisme qui compte les oscillations du balancier. (...) Mais il n'y avait aucun moyen de fabriquer un mécanisme pour une horloge à ondes de matière, parce que la fréquence de leurs oscillations est 10 milliards de fois plus élevée que les oscillations de la lumière visible."

On aurait pu rester bloqué dans cette impasse si Holger Müller et son équipe n'avaient pas eu une astucieuse idée basée sur une étonnante conséquence de la théorie de la relativité restreinte d'Einstein (toujours lui) : la dilatation du temps. Aussi étrange que cela paraisse, quand un objet se déplace, le temps s'écoule moins vite pour lui que pour un objet immobile. Le temps est relatif et non pas absolu, ce qui a été confirmé par des expériences comparant l'heure indiquée par des horloges atomiques embarquées dans des avions à celle donnée par d'autres horloges atomiques demeurées au sol. Une fois leur voyage aérien terminé, les premières étaient un peu en retard sur les secondes. Les satellites du système GPS qui se déplacent à grande allure au-dessus de nos têtes corrigent d'ailleurs en permanence leurs données pour tenir compte de la dilatation du temps.

Les chercheurs de Berkeley ont donc eu l'idée de combiner les ondes de matière émises par des atomes en mouvement avec les ondes provenant d'atomes stationnaires. Le dispositif expérimental mettait en évidence le léger décalage entre les deux, décalage qui, lui, était mesurable. L'étude conclut que grâce à cette différence, on peut utiliser un seul atome de matière pour mesurer le temps. Mais la réciproque est vraie aussi ! Grâce au  type d'horloge décrite dans l'étude, on peut mesurer, avec une précision extrême, la masse de la matière au niveau microscopique. Il y a une certaine fascination, presque de l'ordre de l'émerveillement esthétique, à se dire que le temps est une donnée intrinsèque de la matière et vice-versa.

Au-delà de ce constat philosophique, les auteurs de l'étude soulignent que leur expérience pourrait être particulièrement utile à un moment où la métrologie, c'est-à-dire la science de la mesure, réfléchit à la redéfinition d'un certain nombre de ses sept unités de base, à commencer par le kilogramme. Le kilogramme, en effet, n'est plus ce qu'il était.. Deux solutions sont déjà à l'étude mais les chercheurs de Berkeley estiment, avec leur méthode, pouvoir offrir une troisième voie plus élégante que les autres, en connectant directement le kilogramme à une autre unité fondamentale définie avec une extrême précision : la seconde.

COMMENTAIRES

Il faut mettre fin à ce mythe coriace d’une variabilité intrinsèque du temps qui fascine les amateurs de sciences fiction lesquels constatent par là même l’écroulement de nos absolus, l’affaissement de nos certitudes dans un monde voué à la dérive des valeurs.

Le temps en tant que tel n’existe pas, il est simplement le résultat de la mesure d’un mouvement, d’une oscillation et à ce titre relève d’un concept exclusivement humain. C’est un étalon arbitraire et à ce titre conventionnel qui dépend du protocole de sa mesure et consécutivement de l’état de l’objet sur lequel s’opère l’observation.

Il devient alors ÉVIDENT que si la mesure s’opère sur un corps statique ou sur un corps en mouvement, nous ne parvenons pas au même résultat. Ce n’est pas le temps qui est variable mais le choix du référentiel : si le temps est mesuré dans les mêmes conditions – comme il se doit pour tout étalon – il est absolument invariable. Il devient absolu si l’expérience porte sur un objet physique dont on est assuré de son invariabilité en un lieu et selon des conditions identiques et répétitives de la mesure, comme la vitesse de la lumière ou la fréquence d’émission de certaines ondes atomiques.

 

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