Aristarque de Samos a imaginé le premier un modèle héliocentrique
qui ne fut adopté que 2000 ans plus tard. Les raisons qui
retardèrent la diffusion d'un nouveau modèle furent principalement
culturelles :
« Une découverte scientifique ne s'impose jamais par la
seule force de ses arguments car le contexte culturel
est encore loin de pouvoir permettre au modèle d'Aristarque d'être
entendu et se développer. (1) »
Il était inconcevable que la Terre, centre de l'univers, puisse
redescendre au rang de planète ; d'autre part le mouvement de
rotation de la Terre aurait fait s'envoler tous les objets, lesquels
ne pourraient plus tomber si le centre devenait le soleil. Par
ailleurs, les différentes sphères des fixes devait varier, ce qui
rompait la belle harmonie céleste des philosophes.
On peut se demander si nous ne sommes pas aujourd'hui dans la même
situation de « blocage culturel » qui nous empêche de
sortir du modèle actuel alors même que celui-ci fait eau de toutes
parts. Quelles ont donc ces représentations qui figent la physique
et interdisent tout dépassement ?
1) La principale est qu'il est impossible pour les hommes d'hier
comme d’aujourd’hui d'imaginer un univers incréé et donc
éternel qui n'aurait jamais fait l'objet d'une procédure
d'engendrement. La genèse par big bang est donc conforme à ce
schéma archaïque selon lequel ce qui EST doit NAÎTRE, s'extraire
d'une quelconque origine ou état. Cette croyance est tout aussi
prégnante qu'était celle des grecques pour lesquels la Terre se
devait d'être le centre de l'univers. A cette représentation
centrale, l'ensemble des phénomènes observables et mesurables vont
être rapportés et interprétés. Il en est ainsi de l'effet red
shift qui indiquerait l'expansion de l'univers et sa datation, le
rayonnement fossile et la genèse des étoiles etc...
2) Tout aussi impossible à accepter l'idée d'un univers infini, qui
n'aurait ni bord ni frontière, d'où le recours à la métrique
rassurante d'Einstein d'un univers fini et sphérique.
3) Nos contemporains sont incapables penser l'Autre de la matière et
de donner un statut particulier au vide qui ne saurait être
que...vide de contenu bien qu'ils n'eurent de cesse que de le remplir
d'une grandes quantité d'objets physiques exotiques ou d'y voir des
« trous » où viendraient se loger des positrons.
4) La science moderne s'est fondée en se détachant de la
métaphysique et elle ne saurait sans régresser accepter que ses
fondements soient à rechercher dans cette métaphysique qu'elle
considère comme la discipline de l'opinion hors toutes
justifications expérimentales. Pourtant le big bang est bien issu
d'une représentation métaphysique !
Corrélativement, les mathématiques sont érigés en instrument
unique de la preuve et de la vérité et à partir desquelles toutes
sortes de démonstrations les plus farfelues sont acceptées à
condition de respecter ses contraintes internes.
5) Il existe un Dieu grecque de la vérité qui a pour nom Einstein
et qui représente l'archétype de l'intelligence absolue dans
l'imagerie collective, Pour les physiciens, il est l'assise
inébranlable de leurs certitudes, l'assurance que la science
physique a des fondements solides que rien ne pourra venir ébranler,
d'autant que se multiplient les expériences pour prouver encore s'il
en était besoin la justesse de la relativité.
On comprend donc : » qu' une découverte
scientifique ne s'impose jamais par la seule force de ses arguments
car le contexte culturel est encore loin de pouvoir
permettre à un nouveau modèle d'être entendu et se
développer. » On comprend aussi que les assises de la
science sont bien peu scientifiques, que les représentations
collectives en imprègnent l'orientation et que la justesse d'une
démonstration nouvelle se heurte à ce mur ce croyances et de
certitudes profondément enracinées dans l'esprit d'une époque.
Espérons que nous n'aurons pas à attendre 2000 ans pour assister à
la naissance d'une autre physique.
J.M Vigoureux « les pommes de Newton » Albin Michel
p.62
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