jeudi 31 août 2017

10 - ARISTARQUE ET LE CONTEXTE CULTUREL


Aristarque de Samos a imaginé le premier un modèle héliocentrique qui ne fut adopté que 2000 ans plus tard. Les raisons qui retardèrent la diffusion d'un nouveau modèle furent principalement culturelles :

« Une découverte scientifique ne s'impose jamais par la seule force de ses arguments car le contexte culturel est encore loin de pouvoir permettre au modèle d'Aristarque d'être entendu et se développer. (1) »

Il était inconcevable que la Terre, centre de l'univers, puisse redescendre au rang de planète ; d'autre part le mouvement de rotation de la Terre aurait fait s'envoler tous les objets, lesquels ne pourraient plus tomber si le centre devenait le soleil. Par ailleurs, les différentes sphères des fixes devait varier, ce qui rompait la belle harmonie céleste des philosophes.

On peut se demander si nous ne sommes pas aujourd'hui dans la même situation de « blocage culturel » qui nous empêche de sortir du modèle actuel alors même que celui-ci fait eau de toutes parts. Quelles ont donc ces représentations qui figent la physique et interdisent tout dépassement ?

1) La principale est qu'il est impossible pour les hommes d'hier comme d’aujourd’hui d'imaginer un univers incréé et donc éternel qui n'aurait jamais fait l'objet d'une procédure d'engendrement. La genèse par big bang est donc conforme à ce schéma archaïque selon lequel ce qui EST doit NAÎTRE, s'extraire d'une quelconque origine ou état. Cette croyance est tout aussi prégnante qu'était celle des grecques pour lesquels la Terre se devait d'être le centre de l'univers. A cette représentation centrale, l'ensemble des phénomènes observables et mesurables vont être rapportés et interprétés. Il en est ainsi de l'effet red shift qui indiquerait l'expansion de l'univers et sa datation, le rayonnement fossile et la genèse des étoiles etc...

2) Tout aussi impossible à accepter l'idée d'un univers infini, qui n'aurait ni bord ni frontière, d'où le recours à la métrique rassurante d'Einstein d'un univers fini et sphérique.

3) Nos contemporains sont incapables penser l'Autre de la matière et de donner un statut particulier au vide qui ne saurait être que...vide de contenu bien qu'ils n'eurent de cesse que de le remplir d'une grandes quantité d'objets physiques exotiques ou d'y voir des « trous » où viendraient se loger des positrons.

4) La science moderne s'est fondée en se détachant de la métaphysique et elle ne saurait sans régresser accepter que ses fondements soient à rechercher dans cette métaphysique qu'elle considère comme la discipline de l'opinion hors toutes justifications expérimentales. Pourtant le big bang est bien issu d'une représentation métaphysique !
Corrélativement, les mathématiques sont érigés en instrument unique de la preuve et de la vérité et à partir desquelles toutes sortes de démonstrations les plus farfelues sont acceptées à condition de respecter ses contraintes internes.

5) Il existe un Dieu grecque de la vérité qui a pour nom Einstein et qui représente l'archétype de l'intelligence absolue dans l'imagerie collective, Pour les physiciens, il est l'assise inébranlable de leurs certitudes, l'assurance que la science physique a des fondements solides que rien ne pourra venir ébranler, d'autant que se multiplient les expériences pour prouver encore s'il en était besoin la justesse de la relativité.


On comprend donc : » qu' une découverte scientifique ne s'impose jamais par la seule force de ses arguments car le contexte culturel est encore loin de pouvoir permettre à un nouveau modèle d'être entendu et se développer. » On comprend aussi que les assises de la science sont bien peu scientifiques, que les représentations collectives en imprègnent l'orientation et que la justesse d'une démonstration nouvelle se heurte à ce mur ce croyances et de certitudes profondément enracinées dans l'esprit d'une époque. Espérons que nous n'aurons pas à attendre 2000 ans pour assister à la naissance d'une autre physique.


J.M Vigoureux « les pommes de Newton » Albin Michel p.62

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