mercredi 12 février 2020

61 - PHYSIQUE QUANTIQUE : MYTHES ET REALITE

 Nous restons fasciné et admiratif des exploits et prouesses des chercheurs et techniciens opérant des mesures dans l’infiniment petit des atomes et particules. Ce qui nous chagrine cependant c’est la nature des  discours philosophiques autour de ces expériences de physique quantique qui tendrait à considérer ces modalités opératoires comme exceptionnelles et mystérieuses, tendant à remettre en cause la notion même de réel.

La première mystification et la plus grossière consiste à émettre une surprise extasiée devant le constat qu’il est impossible d’avoir la vérité vraie et définitive d’un objet. C’est oublier qu’il n’y a pas d’objet « en soi » indépendamment de l’instrument et de l’organe structurés pour le percevoir : toute connaissance suppose une séparation telle que l’Un peut connaitre les propriétés de l’Autre. Il n’y a de vérité objective que celle qui résulte de l’association et le recoupement des différentes vérités subjectives qui tendent à construire progressivement un savoir de plus en plus fin du réel.
Il n’est pas surprenant d’autre part qu’une expérience peut influencer son objet : on cite souvent l’ethnologue qui s’introduit dans une tribu primitive et qui modifie les rapports humains de par sa seule présence. En chimie et biochimie, il est courant d’introduire un corps étranger pour mesurer la valeur d’une réaction et dont il faudra tenir compte dans l’analyse du résultat final.

Ainsi le regard de l’observateur – et de son appareil – est nécessairement orienté et va tendre NATURELLEMENT à privilégier un aspect du réel observé,  déterminé par la structure même de l’appareil ou de l’organe spécialisé pour recevoir tel type d’information et pas un autre. Ceci est parfaitement expliqué à l’aide du discours particulier de la physique quantique dans l’extrait suivant
Cependant quand un système est plongé dans un environnement, on peut montrer qu’un certain observable est privilégié par l’environnement et que les phases des états superposés de cet observable sont décalées de manière contingentes lors des interactions, si bien que les différents états ne peuvent plus interférer. On obtient une superposition d’états mutuellement indépendants, déphasés. C’est ce qu’on appelle la décohérence. Elle se produit en particulier chaque fois que nous mesurons une propriété donnée d’un système, un observable, et que nous faisons interagir ce système avec un appareil de mesure macroscopique. L’appareil de mesure joue alors le rôle d’un environnement et « privilégie » l’observable qu’on souhaite mesurer.

Ainsi, la pratique de la physique quantique n’a rien d’exceptionnelle, comme celle de  la fameuse équation d’ondes. Dans un système hautement aléatoire, il est impossible de déterminer la valeur d’un grand nombre de variables, d’où la nécessité d’établir une distribution statistique de de chacune d’entre elles. Chaque variable est bien dans un état réel, mais il est possible de savoir lequel avant l’expérience, ce qui nous paraît relever de l’évidence, autrement la mesure serait trop aisée. Ainsi il est dit que : « La valeur de toute observable est fixée au moment de la mesure, de manière fondamentalement aléatoire, et ne possède pas de valeur déterminée ou même d'existence avant la mesure. »

Jusque-là, nous ne voyons rien qui puisse justifie l’aura de mystère et d’étrangeté de la physique quantique, bien qu’on tente d’y voir une différence fondamentale avec la physique classique. Ainsi : « Le fait que la mécanique quantique  soit non déterministe entraîne une différence fondamentale par rapport à la description faite en mécanique classique : alors qu'en physique classique, l'état du système détermine de manière absolue les résultats de mesure  des grandeurs physiques, une telle chose est impossible en physique quantique et la connaissance de l'état permet seulement de prévoir, de façon toutefois parfaitement reproductible, les probabilités respectives des différents résultats qui peuvent être obtenus à la suite de la réduction du paquet d’ondes  alors de la mesure d'un système quantique. »

Nous pourrions appliqué intégralement ce constat en sociologie ou dans le marketing en affirmant qu’il est impossible de prévoir le comportement d’un groupe de consommateurs de façon absolue avant que ceux-ci aient procédé à leur achats et bien que nous disposions d’une étude statistique quant aux  probabilités respectives des différents résultats »
Autre  prétendue originalité de la mesure quantique : « En mécanique quantique, il n'est pas possible de supposer que les grandeurs physiques telles que la position ou la vitesse aient une valeur définie que l'on puisse mesurer sans perturber le système. Au lieu de cela, les observations effectuées sur un système vont modifier son état, de sorte que les résultats des mesures ultérieures vont dépendre de l'ensemble des mesures effectuées précédemment. L'état du système doit donc être défini indépendamment des grandeurs physiques observables et plutôt être vu comme une description de ce qui a été fait sur le système ainsi que des résultats obtenus lors des mesures. »

Qu’est-il dit très précisément ? Que lorsque vous prenez une mesure, vous modifiez non seulement l’objet sur lequel elle s’effectue mais la totalité du système. Trivialement cela signifie que si vous pénétrez dans un groupe quelconque, d’hommes, d’animaux ou de bactéries qui entretiennent des rapports de proximité multiples, vous modifiez la totalité de ces liens par votre seule action. En conséquence, si vous effectuez une autre action sur l’un des membres, il vous faudra tenir compte de cette nouvelle distribution des rapports engendrée par votre première intervention. Comme on le constate, il s’agit d’une règle élémentaire de précaution valable dans de nombreux domaines de la science expérimentale, voire de la science commune.

En définitive, on peut dire que la physique quantique a construit tout un univers de concepts qui tendent à la séparer du commun mais qui ne résiste pas à l’analyse lorsque démontre qu’ils relèvent de l’expérience scientifique commune qu’on ne saurait séparer de la pratique des autres sciences. S’il faut louer le génie de ses expérimentateurs, on ne peut dire que leur apport à la connaissance philosophique aient été de nature à bouleverser notre rapport au réel comme beaucoup ont tenté de le faire croire.

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