Nous restons fasciné et admiratif des
exploits et prouesses des chercheurs et techniciens opérant des mesures dans
l’infiniment petit des atomes et particules. Ce qui nous chagrine cependant
c’est la nature des discours
philosophiques autour de ces expériences de physique quantique qui tendrait à
considérer ces modalités opératoires comme exceptionnelles et mystérieuses,
tendant à remettre en cause la notion même de réel.
La première mystification et la plus
grossière consiste à émettre une surprise extasiée devant le constat qu’il est
impossible d’avoir la vérité vraie et définitive d’un objet. C’est oublier
qu’il n’y a pas d’objet « en soi » indépendamment de l’instrument et
de l’organe structurés pour le percevoir : toute connaissance suppose une
séparation telle que l’Un peut connaitre les propriétés de l’Autre. Il n’y a de
vérité objective que celle qui résulte de l’association et le recoupement des
différentes vérités subjectives qui tendent à construire progressivement un
savoir de plus en plus fin du réel.
Il n’est pas surprenant d’autre part
qu’une expérience peut influencer son objet : on cite souvent l’ethnologue
qui s’introduit dans une tribu primitive et qui modifie les rapports humains de
par sa seule présence. En chimie et biochimie, il est courant d’introduire un
corps étranger pour mesurer la valeur d’une réaction et dont il faudra tenir
compte dans l’analyse du résultat final.
Ainsi le regard de l’observateur – et
de son appareil – est nécessairement orienté et va tendre NATURELLEMENT à
privilégier un aspect du réel observé,
déterminé par la structure même de l’appareil ou de l’organe spécialisé
pour recevoir tel type d’information et pas un autre. Ceci est parfaitement
expliqué à l’aide du discours particulier de la physique quantique dans
l’extrait suivant
Cependant quand un système est plongé dans un environnement, on
peut montrer qu’un certain observable est privilégié par l’environnement et que
les phases des états superposés de cet observable sont décalées de manière
contingentes lors des interactions, si bien que les différents états ne peuvent
plus interférer. On obtient une superposition d’états mutuellement
indépendants, déphasés. C’est ce qu’on appelle la décohérence. Elle se produit
en particulier chaque fois que nous mesurons une propriété donnée d’un système,
un observable, et que nous faisons interagir ce système avec un appareil de
mesure macroscopique. L’appareil de mesure joue alors le rôle d’un
environnement et « privilégie » l’observable qu’on souhaite mesurer.
Ainsi, la pratique de la physique
quantique n’a rien d’exceptionnelle, comme celle de la fameuse équation d’ondes. Dans un système
hautement aléatoire, il est impossible de déterminer la valeur d’un grand
nombre de variables, d’où la nécessité d’établir une distribution statistique
de de chacune d’entre elles. Chaque variable est bien dans un état réel, mais
il est possible de savoir lequel avant l’expérience, ce qui nous paraît relever
de l’évidence, autrement la mesure serait trop aisée. Ainsi il est dit que
: « La valeur de toute observable est fixée au moment de la mesure, de
manière fondamentalement aléatoire, et ne possède pas de valeur déterminée ou
même d'existence avant la mesure. »
Jusque-là, nous ne voyons rien qui
puisse justifie l’aura de mystère et d’étrangeté de la physique quantique, bien
qu’on tente d’y voir une différence fondamentale avec la physique classique.
Ainsi : « Le fait que la
mécanique quantique soit non
déterministe entraîne une différence fondamentale par rapport à la description
faite en mécanique classique : alors qu'en physique classique, l'état du
système détermine de manière absolue les résultats
de mesure des grandeurs
physiques, une telle chose est impossible en physique quantique et la
connaissance de l'état permet seulement de prévoir, de façon toutefois
parfaitement reproductible, les probabilités
respectives des différents résultats qui peuvent être obtenus à la suite
de la réduction du paquet d’ondes alors
de la mesure d'un système quantique. »
Nous pourrions appliqué intégralement
ce constat en sociologie ou dans le marketing en affirmant qu’il est impossible
de prévoir le comportement d’un groupe de consommateurs de façon absolue avant
que ceux-ci aient procédé à leur achats et bien que nous disposions d’une étude
statistique quant aux probabilités respectives des différents
résultats »
Autre
prétendue originalité de la mesure quantique : « En mécanique quantique, il n'est pas
possible de supposer que les grandeurs physiques telles que la position ou la
vitesse aient une valeur définie que l'on puisse mesurer sans perturber le
système. Au lieu de cela, les observations effectuées sur un système vont
modifier son état, de sorte que les résultats des mesures ultérieures vont
dépendre de l'ensemble des mesures effectuées précédemment. L'état du
système doit donc être défini indépendamment des grandeurs physiques
observables et plutôt être vu comme une description de ce qui a été fait
sur le système ainsi que des résultats obtenus lors des mesures. »
Qu’est-il dit très précisément ?
Que lorsque vous prenez une mesure, vous modifiez non seulement l’objet sur
lequel elle s’effectue mais la totalité du système. Trivialement cela signifie
que si vous pénétrez dans un groupe quelconque, d’hommes, d’animaux ou de
bactéries qui entretiennent des rapports de proximité multiples, vous modifiez
la totalité de ces liens par votre seule action. En conséquence, si vous
effectuez une autre action sur l’un des membres, il vous faudra tenir compte de
cette nouvelle distribution des rapports engendrée par votre première
intervention. Comme on le constate, il s’agit d’une règle élémentaire de
précaution valable dans de nombreux domaines de la science expérimentale, voire
de la science commune.
En définitive, on peut dire que la
physique quantique a construit tout un univers de concepts qui tendent à la
séparer du commun mais qui ne résiste pas à l’analyse lorsque démontre qu’ils
relèvent de l’expérience scientifique commune qu’on ne saurait séparer de la
pratique des autres sciences. S’il faut louer le génie de ses expérimentateurs,
on ne peut dire que leur apport à la connaissance philosophique aient été de
nature à bouleverser notre rapport au réel comme beaucoup ont tenté de le faire
croire.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire